Interview de Xavier Utzschneider, Directeur technique et développement chez Perinfo

Réalisée par Pysae.

Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre parcours ?

Xavier Utzschneider : Je suis tombé dans la marmite du transport étant petit, car mes parents possédaient une société de transport de véhicules légers. Finalement, même si j’ai étudié l’informatique, j’ai quand même fini par rejoindre ce monde que je connaissais bien.

J’ai intégré Perinfo il y a 20 ans, au service support client et formation. Ce fut mon entrée en matière dans le monde de l’autocar et de l’interurbain. Plus tard, j’ai évolué en tant que consultant. J’avais en charge la gestion de grands comptes sur la partie technique, commerciale et suivi de projet. Et depuis 12 ans, je suis directeur technique et développement. Je gère une trentaine de personnes, tant sur la partie support client et formation que sur la partie R&D et support développement. J’ai aussi conservé une dimension conseil. Cette proximité avec mes clients me permet de connaître la tendance et les nouveaux métiers qui apparaissent et d’être à jour sur leurs besoins.

Pouvez-vous nous parler de Perinfo ?

X.U. : Perinfo est un éditeur de logiciel dans le monde du transport. Il a été l’un des pionniers dans l’informatisation et la digitalisation pour le transport interurbain. En effet, c’est en 1982 que le premier logiciel a été créé ! Il a ensuite évolué au fil des années et sur les différents systèmes d’exploitation. Nous réalisons environ 70 % de notre activité dans le transport avec le logiciel Gescar, et le reste est dédié aux collectivités avec Gescar Collectivités et AGT. En janvier 2020, nous avons racheté le logiciel SNO-Ordicars. Nous avons aussi des solutions pour optimiser le ramassage scolaire.

Aujourd’hui, nous sommes une quarantaine de salariés et nous réalisons environ 3.9 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nos 650 clients sont répartis principalement en France et dans les DOM-TOM, mais aussi en Belgique, au Luxembourg, en Espagne, en Suisse, au Maroc et au Canada.

Quelle sont les récentes actualités de Perinfo ?

X.U. : Notre actualité principale en 2020, c’est tout d’abord l’intégration de la société Ordicars. L’opération s’est très bien passée et nous avons beaucoup de projets communs pour l’avenir. Nous avons également déployé des projets chez de nouveaux clients pendant le confinement, malgré la crise de la Covid et le télétravail. Le virtuel n’a pas facilité les choses, mais nous y sommes parvenus !

En matière de nouveauté logicielle, nous avons beaucoup travaillé sur les outils de mobilité. Par exemple, dans la partie bornes mobiles conducteurs, une nouvelle fonctionnalité permet aux conducteurs d’acter auprès de l’exploitation qu’aucun enfant n’a été oublié au fond du car. Nous avons aussi créé des liens entre différents logiciels web pour donner de l’information au client final avec des remontées terrain de solutions de géolocalisation basiques.

Malgré l’actualité compliquée en 2020, nous ne nous sommes pas endormis !

Qu’est-ce que le métier d’exploitant dans le transport de voyageurs pour vous ?

X.U. : Le métier d’exploitant est central et complexe : central, car sans l’exploitation rien ne va tourner, et complexe car il est tel un mouton à cinq pattes. Il doit constamment avoir un œil sur l’interne et sur l’externe – c’est-à-dire les conducteurs. Sa double casquette n’est pas toujours facile à endosser. En plus de faire du prévisionnel, il doit mener des actions quotidiennes pour savoir ce qui se passe sur le terrain et réagir en conséquence, tout en prenant en compte des aspects RH conducteurs… Ce n’est pas un métier simple !

Nous avons développé des outils pour essayer de leur simplifier la vie, leur donner une vision globale et leur faire gagner du temps. Beaucoup de nos clients nous disent que sans nos outils, ils navigueraient complètement à l’aveugle ! Mais les outils ne les remplaceront jamais. Car le cœur du système, c’est eux ! Nos outils proposent des optimisations, mais les exploitants restent centraux dans la prise de décision finale, par exemple pour affecter telle course à tel ou tel chauffeur. Car il y a aussi une composante humaine à prendre en compte !

Quels sont, selon vous, les enjeux actuels de l’exploitation du transport public de voyageurs à l’échelle macro ?

X.U. : L’un des enjeux principaux – et qui est commun aux exploitations urbaines comme interurbaines – c’est l’exigence de qualité de service et de transparence. Le but reste de donner la meilleure prestation au voyageur. Avec l’augmentation de la population, il faut être en mesure de proposer des solutions de plus en plus globales et de plus en plus partagées. En même temps, les exploitants et les clients veulent une vision terrain de ce qui se passe. Cela peut passer par l’information en temps réel donnée par les SAEIV, mais aussi la remontée d’incidents d’exploitation dans Gescar par exemple, ou encore l’outil de gestion de réveil pour éviter les ratés de prises de service, etc.

La transition énergétique est également un autre enjeu. Elle implique de passer du thermique à une autre énergie, qui n’est pas forcément identique en matière d’autonomie du véhicule ou de temps de recharge. Certaines villes étudient même la possibilité de passer tout leur parc au 100 % électrique. Le monde de la mobilité n’arrête pas d’évoluer, et il faut faire communiquer tous ces moyens de transport entre eux. L’interconnexion sera un sujet de plus en plus actuel !

Quelles sont les tendances des acteurs du secteur, notamment dans l’interurbain et les villes moyennes ?

X.U. : L’une des premières tendances est la concentration des acteurs. Il y a quelques années, il y avait une multitude de transporteurs de 50 à 150 véhicules. Au fil du temps, le marché s’est concentré et on observe maintenant de plus en plus de transporteurs qui possèdent entre 300 et 500 véhicules. Ces sociétés s’étendent en gagnant des appels d’offres ou font de l’acquisition externe. De grosses sociétés commencent à émerger, avec par conséquent beaucoup d’activités et de marchés différents : TAD, PMR, ligne, scolaire, tourisme, etc.

L’augmentation de la population entraîne aussi une hausse de l’offre de transport. Les enjeux des acteurs du transport sont la transition énergétique, la multimodalité et la qualité de service – notamment par la diffusion de l’information.

Enfin, les tendances vont aussi vers l’ouverture de ce type de données. Les données sont importantes en elles-mêmes, mais l’intérêt est aussi de les analyser et de les valoriser. C’est précisément le rôle d’outils comme Perinfo et PYSAE de transformer la donnée et de la faire parler.

Qu’est-ce que les solutions de Perinfo apportent aux opérateurs de transport de voyageurs ?

X.U. : Nos solutions permettent déjà l’analyse des données. La force de Gescar, c’est son périmètre fonctionnel, qui lui permet de couvrir une grande partie des activités (scolaire, interurbain, TPMR, etc.). Un même outil donne à l’exploitant une vision à 360° de son activité. Il permet aussi de diffuser des informations directement au conducteur, d’avoir des retours de terrain, des indicateurs de gestion, de facturation, etc. Avec nos outils de graphicage-habillage, nous pouvons leur apporter des études AMO pour les aider à répondre aux appels d’offre par exemple. Nos clients disposent de beaucoup de fonctionnalités dans un même outil et ils peuvent avoir quasiment un seul interlocuteur pour l’ensemble de leurs besoins. Ainsi, tous les services de l’entreprise ont le même outil et parlent le même langage.

Qu’avez-vous constaté comme évolution dans le secteur des logiciels pour les opérateurs de transport de voyageurs ces dernières années ?

X.U. : Depuis 20 ans, ce sont les nouveautés et évolutions technologiques (smartphone, RFID, 4G, Bluetooth…) qui font émerger de nouvelles solutions. Sans smartphone, une solution comme PYSAE n’existerait pas par exemple. Quand les technologies évoluent, elles créent de nouveaux besoins. Ces besoins remontent du terrain, c’est-à-dire du voyageur. Celui-ci va en parler à son transporteur ou à l’autorité organisatrice et ainsi revenir jusqu’à nous. C’est ensuite à nous d’implémenter ou non ces nouveaux besoins ou usages dans nos solutions.

Comment souhaite se positionner Perinfo à l’avenir ?

X.U. : Nous allons continuer à investir dans nos solutions Gescar et Ordicars.

Depuis dix ans, nous travaillons énormément sur les outils de mobilité autour de Gescar. Pour décharger l’exploitant « multi-bras », nous avons ainsi créé il y a huit ans la borne mobile conducteur pour une utilisation sur smartphone. Dernièrement, nous avons aussi lié notre module de GED à nos solutions Online afin de rajouter des échanges avec les conducteurs qui permet de transmettre des documents au conducteur en mobilité, cela évite beaucoup d’impression ce qui est bon pour l’environnement et dans le cadre sanitaire actuel évite des échanges de main en main de papier. Enfin, nous avons développé une interface entre Gescar et le portail Chorus, grâce à laquelle nos clients peuvent envoyer directement leurs factures aux collectivités depuis notre solution.

En ce qui concerne Ordicars, 2020 a été une année d’intégration. Nous avons aujourd’hui de bons retours des clients sur la solution, notamment grâce aux nouveaux développements réalisés autour des sujets de mobilité et qualité, borne mobile, SMS et gestion des réveils. Par ailleurs, nous travaillons sur d’autres projets.

Nous avons ainsi créé, il y a quelques années maintenant, la solution Geohub, qui permet aux structures sans SAEIV de remonter leurs points de géolocalisation pour les comparer avec le planning théorique ou encore de remonter l’avance-retard d’une solution SAEIV comme PYSAE. Cette solution est proposée en mode SaaS, car nous essayons de digitaliser au maximum l’environnement de nos clients au fur et à mesure et de proposer certaines fonctions en mode « service ». Plus récemment, nous avons aussi retravaillé le module Resaweb, notre outil de réservation en ligne. La nouvelle version a été entièrement revue et son design amélioré. Enfin, nous nous sommes positionnés sur la partie collectivités il y a quelques années, même si celle-ci reste minoritaire par rapport au transport qui est historique et ancré chez Perinfo.

Aujourd’hui, nous sommes une quarantaine chez Perinfo, là où nous n’étions qu’une vingtaine il y a 10 ans. Nous intégrons des personnes, répondons à des besoins et essayons de proposer une solution qui soit la plus globale possible. Notre fer de lance, c’est de toujours sentir les tendances et de créer des modules et logiciels correspondant aux besoins de nos clients. De nouveaux projets commencent à émerger, de nouvelles technologies notamment. Le SaaS viendra aussi à un moment donné.

Justement, pouvez-vous nous parler du cloud chez Perinfo ?

X.U. : Gescar est « on-premise » (ndlr : installé chez les clients en local, par opposition au cloud), mais possède quand même des outils en mode cloud, comme l’outil d’interface Chorus, la gestion des réveils conducteurs… Quant à Ordicars, il était déjà en mode cloud lors du rachat. En fait, nous sommes en mode hybride pour le moment. Cela va évoluer, mais vu la taille du logiciel, cela se fera au fil du temps, et non pas tout d’un coup !

Comment les SAEIV comme PYSAE sont-ils complémentaires à Gescar selon vous ?

X.U. : Un échange par GTFS a été mis en place. Nous avons ainsi créé Geohub pour faire l’interface entre les outils externes de géolocalisation, de SAEIV et Gescar. Nous n’avions pas pour objectif de déployer une interface chez chacun de nos clients, mais de mettre en place Geohub pour avoir des données en point réelles ou un résultat calculé pour remonter l’information chez l’exploitant.

Il est important que les données du client soient centralisées et puissent être compilées. Il y a de la valeur dans la data. Les outils métiers comme Gescar sont des outils cœur de système, autour desquels gravitent des solutions. Nous avons l’objectif de ramener de l’information complémentaire à l’exploitant. Alors que PYSAE est une solution orientée plus « terrain » – conducteur et voyageurs, nous nous positionnons davantage au niveau du backoffice. Nos solutions sont clairement complémentaires.

Est-il désormais indispensable pour les opérateurs de transport de voyageurs d’opter pour un SAEIV en plus d’un logiciel de gestion pour les opérateurs de transport de voyageurs ? Pourquoi ?

X.U. : In fine, ce n’est pas le transporteur qui va le décider, mais le donneur d’ordres. Ce dernier va, par exemple, vouloir suivre les véhicules, connaître les données d’avance-retard et mettre à disposition des usagers un suivi de leur véhicule. Même si le SAEIV n’est pas exigé dans l’appel d’offre, il va être demandé dans le renouvellement ou bien c’est l’usager qui va le demander. C’est quasi indispensable.

Dans certains cas, le SAEIV est totalement indispensable. C’est notamment le cas pour la ligne urbaine étendue ou encore le scolaire, puisque les régions le demandent de plus en plus.